Les premières chapelles du Saint-Suaire...
En 1620 est fondée la Confrérie des Pénitents Blancs du Saint-Suaire ayant pour siège la chapelle de l'hôpital Saint-Roch-Saint-Eloi, sur la “Marine” [l'actuel Cours Saleya].
Les pénitents occupèrent cet édifice quelques temps, mais recherchèrent un lieu pour établir leur propre chapelle et acquièrent en 1621 une maison à l'ouest de l'hôpital. Cette nouvelle chapelle est consacrée en 1623.
Mais en 1643 les Sœurs de la Visitation Sainte-Marie achètent un terrain voisin et y fondèrent leur couvent. Une extension enclava en 1654 cette première chapelle des Pénitents au milieu des bâtiments conventuels. Par un accord tripartite entre les Visitandines, le pouvoir ducal (propriétaire de nombreux terrains au voisinage de la Gabelle du sel) et les Pénitents, la chapelle fut cédée aux Visitandines en 1659 qui l'englobèrent dans leurs bâtiments.
Les Visitandines, ayant acquis du Duc les terrains subsistant de la Gabelle, y firent construire immédiatement une nouvelle chapelle à l'est de la précédente, achevée en 1659, et la cédèrent en compensation à la Confrérie.
La Chapelle du Saint-Suaire...
La nouvelle chapelle fut inaugurée le 4 mai 1660, jour de la fête du Saint-Suaire, instituée à la demande des ducs de Savoie par le Pape Jules II.
La création du Sénat de Nice, cour de justice permettant de juger en appel, a nécessité de trouver un lieu pour son installation. Après avoir siégé dans plusieurs bâtiments, il fut décidé de l'installer à l'emplacement des bâtiments de la Gabelle, à côté de l'oratoire de la Confrérie du Saint-Suaire.
En 1750, le Président du Sénat de Nice, Pierre Mellarède, demande au roi Charles-Emmanuel III l'autorisation d'agrandir le bâtiment. Un premier projet est présenté par le colonel-ingénieur Devincenti. Le roi demande l'avis de l'architecte Joseph Michaud qui présente un nouveau projet le 4 janvier 1763 établissant une jonction entre le bâtiment du Sénat et la Chapelle du Saint-Suaire.
Le Sénat et la Chapelle de la Sainte Trinité.
Finalement, la façade de la chapelle est construite par l'architecte Giovanni-Battista Borra en 1763 en même temps que la salle d'audience située à côté et la loge du Sénat. Les travaux ont été réalisés par l'entrepreneur Dominique Antoine Caldilary aidé de Jacques Aschieri. Il est à remarquer qu’à cette époque les bâtiments cultuels avaient prédominance sur les bâtiments publics et souvent les lieux de culte étaient construits en avant de l’alignement des façades, même de celles les plus prestigieuses du pouvoir politique : ce fut le cas ici.
En septembre 1792, avec l'arrivée des troupes révolutionnaires à Nice, le Comté ne tarde pas à devenir un nouveau département français, et ce dès le premier trimestre 1793. Les lois révolutionnaires s’appliquent et les Confréries sont dissoutes et leurs biens saisis et vendus au titre des Biens Nationaux. Après quelques années les bâtiments sont occupés par les militaires et la chapelle est transformée pour loger les soldats. La voûte de la chapelle s'effondre puisque pendant l'occupation française, seul l’agrandissement du Palais de Justice sur son emplacement était recherché. Ce projet n’aboutira jamais.
Renaissance...
En 1824, la Confrérie obtint la restitution de la chapelle du Saint-Suaire du Roi Charles-Félix, et s’y établit le 16 novembre 1825. Il fallut la restaurer, travail qui fut confié au peintre et architecte décorateur niçois Paul-Émile Barberis.
Voici un très intéressant résumé fait par Joseph-Rosalinde Rancher, le grand poête niçois, dans son Almanach paru en 1830 : “Saint Suaire ou Très Sainte Trinité ? Cette chapelle qui appartient aux Pénitents-Rouges est à l'usage du Sénat, qui y a une tribune, où il se rend en corps tous les matins d'audience peur y entendre une Messe basse, célébrée par le Chapelain du Sénat. Elle fut construite en 1657 aux frais des Religieuses de Sainte-Marie, en échange de l'ancienne chapelle contiguë à leur couvent où la Confrérie du Saint Suaire était établie depuis l'an 1620. Cette chapelle avait été détruite, dans le temps de la Révolution, et l'emplacement avait été destiné a augmenter le palais de Justice ; mais le Gouvernement ayant rendu en 1825 ce local à la confrérie, l'église a été rétablie dans quelques mois sur un meilleur plan par le zèle et le dévouement des confères. Cette Confrérie a pris le nom de la Très Sainte Trinité et elle est formée des anciennes confréries du Saint-Esprit, du saint-Suaire et du saint nom de Jésus”.
Intérieur de la chapelle actuelle.
La chapelle prit une forme beaucoup plus simple que les trois autres chapelles des Confréries niçoises. Le baroque n’était plus de mise en 1824, le retour à l’antique primait, sous la forme du néo-classique. Son plan rectangulaire est d’une grande netteté, mettant en valeur son splendide maître-autel couronné du tableau de la Sainte-Trinité du même Paul-Emile Barberis. La chapelle fut terminée en 1827.
Aujourd'hui...
Ce patrimoine relève aujourd'hui des dispositions de la Convention franco-sarde du 23 août 1860 qui, dans son Article 7, en laisse pleine propriété à la Confrérie.
Parmi les ornements qui peuvent retenir l'attention, signalons dans le chœur :
Dans la nef, nous pouvons voir :
Enfin, à la Tribune :
Les remarquables restaurations entreprises depuis quelques années sont à la mesure des générosités qui pourvoient à leur financement par le biais de l'Association des Amis des Pénitents Rouges.
Découvrez la chapelle en vidéo...
© Olivier Miniato - Nice Drone [www.olivierminatio.com]
Dès le XVIe siècle...
La confrérie actuelle des Pénitents Rouges de Nice est née de la fusion de plusieurs autres vénérables Confréries :
‣ en 1578, est érigée la Confrérie du Saint-Nom de Jésus, association mixte de frère et de sœurs portant un sac gris, à la fois pieuse union et société de secours mutuel qui s'installe le 1er novembre 1579 à l'autel Saint-Georges, dans l'église des Dominicains, à l'emplacement de l'actuel Palais de Justice ; elle fit bâtir sa propre chapelle Saint-Jean sur un terrain bordant le cloître des Dominicains [détruite à l'occasion de l'ouverture de la rue Alexandre-Mari]. En 1583, la Confrérie troqua le sac gris avec un de couleur rouge doté, sur la poitrine, d'un écusson rond brodé de fil d'or, portant le trigramme JHS de saint Bernardin de Sienne. En 1607, un orphelinat est confié à la Confrérie qui gérait aussi un hospice qui recevait douze pauvres [qui sera rattaché à l'Hospice de la Charité en 1763].
‣ en 1583, est érigée la Confrérie du Saint-Esprit composée, en majorité, de membres de la noblesse qui acquiert le 15 janvier 1583, une maison avec un jardin [au lieu l'actuelle place Saint-François] ; et le 19 mars de la même année, elle entreprend d'y construire une chapelle. Le 5 mai 1585, ses membres revêtent le sac blanc complété d'un capuchon couvrant la tête ou pendant dans le dos avec, sur la poitrine, un écusson carré orné d'une colombe et de quatre séraphins. En 1587, la Confrérie entreprend la construction de son hôpital dit de la Sainte-Trinité à Villefranche-sur-Mer et un autre hôpital contigu à sa chapelle ; en 1606, elle fonde un Mont-de-Piété. En 1691, lors de l'occupation de Nice par les troupes de Louis XIV, la chapelle est transformée en hôpital, puis en 1692, elle sert de casernement à la troupe française ; enfin, en 1695, on y transfère les malades provenant d'une annexe de l'hôpital Saint-Eloi-Saint-Roch. En 1713, après le retour de Nice à la Maison de Savoie, la chapelle retrouve sa fonction religieuse.
Le 29 décembre 1782 est décidée la fusion de ces deux confréries, ce qui sera ratifié par lettres patentes de Victor-Amédée, roi de Piémont-Sardaigne, le 13 juin 1786 afin “que fussent mieux administré l'hôpital des orphelins [tenu par la Confrérie du Saint-Nom de Jésus] et le Mont-de-Piété [tenu par la Confrérie du Saint-Esprit]” ; en 1788, la nouvelle sodalité choisit le vocable de Confrérie du Saint-Esprit en gardant l'habit de celle-ci et le siège cis en la chapelle du Saint-Esprit, place Saint-François.
‣ En 1620, enfin, est érigée la Confrérie du Saint-Suaire en souvenir du séjour de cette relique insigne dans la citadelle du Château [entre 1537 et 1543] dont l'histoire de la chapelle est donnée sur cette page. Les pénitents assureront aux malades de l'hôpital Saint-Eloi-Saint-Roch voisin des services annexes de la médecine proprement dite. Cette sodalité adopta un écusson figurant la Sainte-Face de Notre-Seigneur, telle qu'elle était représentée avant la révélation photographique de 1898.
Le 29 septembre 1792 l'occupation du Comté de Nice par les troupes révolutionnaires françaises est effective. Les lois de la Convention nationale s'y appliquent dès le 4 février 1793, date du décret qui fait des Alpes-Maritimes le 85e département français : les confréries sont alors dissoutes. La chapelle du Saint-Esprit, place Saint-François, est rasée pour agrandir la “place des Ouvriers” et la chapelle du Saint-Suaire est vendue comme “bien national”.
Au XIXe siècle...
Le 14 août 1807, la paix religieuse étant retrouvée en France, est fondée la Congrégation de la Très-Sainte-Trinité par un décret de S.Exc. Mgr Colonna d'Istria, Evêque de Nice, Comte de Drap et Commandeur de l'Ordre des Saints-Maurice et Lazare : “Voulant seconder le vœu que les anciens Pénitents du Saint-Suaire réunis par nous ceux à ceux du Saint-Esprit sous le titre et l'invocation de la Très-Sainte-Trinité, nous ont manifesté de prendre un habit commun et de s'exercer dans les œuvres de piété et de miséricorde que les circonstances actuelles pourront autoriser [...]. Les Associés composant la Congrégation de la Très-Sainte-Trinité seront revêtus dans leur exercice de piété d'un habit blanc qui sera ceint d'un cordon rouge ; ils ne pourront porter de capuche sur la tête [...]”.
La nouvelle confrérie niçoise officiera, de 1807 à 1825, dans l’église Saint-Jacques-le-Majeur, dite du Gesù (puisqu'elle était placée sous l'autorité de son Curé) et dans la Chapelle San-Giaume (où se déroulaient leurs offices propres), l'actuelle chapelle de l'Annonciation (mieux connue sous le nom de Sainte-Rita où les Oblats de la Vierge Marie n'arriveront qu'en 1844). Rappelons, ici, le retour du Comté de Nice en la Maison de Savoie en 1814.
En 1818, la Confrérie s'affilie avec l'Archiconfrérie romaine de la Très-Sainte-Trinité, des Pèlerins et des Convalescents (fondée en 1548 par saint Philippe Neri qui rassemblera, avec son directeur spirituel Persiano Rosa, une quinzaine d'hommes dans la Confrérie de la Très Sainte Trinité, vouée au soin des pèlerins de Rome pauvres et malades). À l'occasion de cette affiliation, la confrérie changera de nom pour prendre le même que l'Archiconfrérie romaine et prendra Saint-Philippe Néri comme Patron protecteur.
Répondant à une demande écrite, formulée le 18 novembre 1821, S.Exc. Mgr Colonna d'Istria autorisa les membres de la nouvelle Confrérie à porter le sac rouge, et par lettre du 17 juin 1825, précisait quel serait le vêtement des Sœurs prenant part aux processions.
Le 16 novembre 1825, la Confrérie transfère son siège en la Chapelle du Saint-Suaire [place Charles-Félix, au fond du Cours Saleya].
Le 24 novembre 1867, à la demande de S.Exc. Mgr Jean-Pierre Sola, la “Société de Secours Mutuels, sous le titre de Notre-Dame du Bon-Enfantement, établie dans la Confrérie des Pénitents Rouges, sous l'auguste titre de la Très Sainte de Trinité et des Pèlerins”, administrée par les Sœurs Pénitentes, révise ses statuts propres, change le pharmacien de l'œuvre et le médecin, qui sera payé par ladite société, afin de pallier les difficultés récurentes.
Le 30 mai 1870, le même Mgr Jean-Pierre Sola, donnera un nouveau nom à la Confrérie : “Societátis Sanctíssima Trinitátis & Peregrinórum”, “Société de la Très Sainte Trinité et des Pèlerins”. Ce titre sera confirmé par S. Exc. Mgr Mathieu-Victor Balaïn, le 30 août 1891.
Aux XX et XXIe siècle...
Le 4 novembre 1972, le Prieur de l'époque convoque une assemblée générale extraordinaire pour renouveler et rajeunir son Conseil : la Confrérie, en pleine torpeur, se réveille... Soulignons que les guerres de la première moitié de ce siècle, mon moins que la main-mise de l'État sur les fonctions sociales d'initiatives privée, ont notablement grevé la vie des Confréries.
Dans le cadre de l'aggiornamento mis en œuvre par le deuxième Concile du Vatican pour une nouvelle évangélisation, la Confrérie s'est attachée à mieux s'enraciner en matière de culte, pour mieux entreprendre en matière de culture. En 1984, la Confrérie bénéficie de l'Indult reconnaissant son option préférentielle, pour les célébrations liturgiques, du rite latin traditionnel.
En 1989, une lettre de présentation de la Confrérie, quant à son objet actuel, indiquait : “les anciennes confrérie avaient leur vocation propres [...]. Elles visaient à la perfection chrétienne de leurs membres [...], d'autre part, elles étaient le support des œuvres de bienfaisance et de secours mutuel [...] à une époque où l'État n'assumait que les tâches qui lui incombent spécifiquement (police, justice, finances, défense) ; les confréries, les professions, les citées géraient elles-mêmes, souvent avec bonheur, les œuvres d'instruction, d'éducation, d'assistance et de protection sociale en particulier auprès des indigents de toutes conditions et provenances tels que les pauvres, les malades et infirmes, les veuves et les orphelins, les vieillards, les voyageurs et les prisonniers. Aujourd'hui, malgré la prise en charge de l'État [...], il n'en subsiste pas moins des pauvres et indigents de toute nature à secourir. Et parmi les indigences multiples de ce temps, [...] il existe une indigence majeure qui peut être mise en évidence par une simple constatation : la décomposition morale et l'apparition d'une nouvelle barbarie consécutive à une recul de la religion catholique. [...] Les Pénitents Rouges de Nice se proposent de mettre en œuvre [...] cet exercice de Charité qui consiste à annoncer la Rédemption par Jésus-Christ [...]. Pour y parvenir, ils s'attachent à cultiver « un certain art de vivre en chrétienté » et à favoriser la diffusion d'une information et d'une culture pleinement conformes à la Tradition et au Magistère doctrinal de l'Église, affranchis de tout opportunisme qui tiendrait « la vérité captive » [Rom. I, 18] ”.
En 1995, par des conventions canoniques, la Confrérie bénéficie des services d'un prêtre de l'Institut du Christ Roi Souverain Prêtre [Convention diocésaine du 9 février et Convention avec la Confrérie du 21 mars 1995].
En 2023, pour la fête de la Très Sainte Trinité, la Confrérie a approuvé la version rénovée de ses Statuts canoniques ; pour la fête du Sacré Cœur de Notre Seigneur, S.Exc. Mgr Jean-Philippe NAULT approuve à son tour les Statuts rénovés de la Société de la Très Sainte Trinité et des Pèlerins [Décret particulier du 16 juin 2023].
© Copyright 2023